C’était un jour fort ordinaire
Un jour comme il y en a tant
A peine un an après la guerre
Fallait bien rattraper le temps.
Un matin du mois de décembre
Je suis sorti de ma prison
Pour atterrir dans une chambre
Où tous ils gueulaient mon prénom.
J’avais décidé ça la veille
Dans la piscine où je nageais
Alors merveille des merveilles
Le lendemain je me pointais.
C’est vrai que les réjouissances
Me faisaient un peu chaud au cœur
Je me disais t’as de la chance
C’est bien parti pour le bonheur.
Je passe sur toute la suite
C’est la mienne on n’y touchez pas
Franchement ça passe trop vite
Parmi les hauts parmi les bas.
Ca vous conduit à l’évidence
Il faut que ça s’arrête un jour
Fatalité, manque de chance
En selle pour le dernier tour.
Ce sera un jour ordinaire
Un jour comme il y en a tant
Bien des années après la guerre
Franchement j’aurai pris le temps..
Merci pour ces années à me tenir la main
Merci pour tous ces jours et ces nuits de tendresse
Même quand une rose a quitté le jardin
Son parfum reste là souvenir d’une ivresse.
Merci d’avoir été ce fanal merveilleux
Propre à guider mes pas quand la nuit était noire
D’avoir su réveiller tout au fond de mes yeux
Cette flamme éclairant les plus belles histoires.
Merci d’avoir souffert quand je souffrais aussi
Et d’avoir partagé mes craintes et mes doutes
De m’avoir libéré de tous ces interdits
Qui ne sont que cahots tout au long d’une route.
Merci pour ces deux cœurs qui sont nés de nos cœurs
Un peu de toi de moi les aide encore à battre
Leurs bonheurs à présent sont aussi nos bonheurs
Acteurs éblouissants d’un superbe théâtre.
Merci d’illuminer toujours mes souvenirs
Comme autant de photos dans les pages d’un livre
Celui qu’on écrivait et qu’il me plait d’ouvrir
Même s’il n’a pas pu jusqu’au bout se poursuivre.
Dois-je vous les conter mes souvenirs d’enfance
Certains sur un bateau y voguent noir et blanc
Ils sont fait de bonheurs, de joies et de souffrances
Qui n’a jamais souffert avant que d’être grand.
Ils ont l’accent du sud, celui qui m’a vu naître
Se traînent dans les près, chassent les papillons
Revenus à l’école ils s’en prennent au maître
Sans doute n’ont-ils pas bien appris leurs leçons.
Ils ont les pieds mouillés à traîner dans les flaques
Quand l’orage venait qui rongeait les raisins
A tant avoir reçu de salutaires claques
Ils n’ont rien oublié ni du mal ni du bien.
Ils gardent des baisers dans leur sac de voyage
Ils en donnent encore à tous les promeneurs
A ceux-là qui n’ont plus d’espoir et de bagages
Qui ont peur aujourd’hui comme eux ils avaient peur.
Ils ont les yeux rêveurs parfois emplis de larmes
A chercher vainement des coins de paradis
Qui s’éclairent souvent à retrouver ce charme
Propres à ce temps passé qui jamais ne finit.
Ils ont ces doux parfums de lilas et de roses
Arrachés à l’hiver qui voulait les chasser
Cette tendre fraîcheur de ces mots que l’on ose
Quand on sait que toujours ils seront pardonnés
Dois-je vous les conter mes souvenirs d’enfance
Certains sur un bateau y voguent noir et blanc
Ils sont fait de bonheurs, de joies et de souffrances
Qui n’a jamais souffert avant que d’être grand.
Je me moque de vivre en cage
Si c’est pour ne pas succomber
Et si par delà les grillages
Un grand soleil est annoncé.
J’aurais pu choisir la révolte
Et m’évader de ma prison
La liberté comme récolte
Et la mort comme punition.
Je veux survivre et bientôt vivre
Enfin libéré de mes maux
Hiver débarrassé du givre
Pour des matins de renouveau.
J’ai accommodé ma tanière
De roses cueillies au jardin
Et pour apaiser ma colère
Je me répète des quatrains.
Ceux-là qui chantent l’espérance
Ceux-là qui guérissent le cœur
Ceux-là qui brisent le silence
De quelques flèches de bonheur.
J’ai éclairé ma page blanche
J’ai mis du printemps sur mes vers
Demain je prendrai ma revanche
Je refleurirai le désert.
Il y a eu la peste et puis le cholera
La nature a toujours inventé des supplices
Les humains impuissants ne sont rien que des rats
Sur l’autel de la mort offerts en sacrifice.
Ils se plaignent au ciel de ce trop lourd tribut
Eux qui l’affirment-ils ne demandaient qu’à vivre
Auraient-ils trop osé, se seraient-ils perdus
A fouler des chemins qu’ils n’auraient pas du suivre.
C’est ainsi que toujours surgissent d’autres maux
La faucheuse se plait à changer de cadence
A coups de ricochets, à coups de ronds dans l’eau
C’est elle qui triomphe et qui mène la danse.
Reviendra le printemps disparaîtra l’hiver
Et le vent chassera bientôt les feuilles mortes
L’homme se vantera d’avoir tué le ver
Lui aura-t-il du fruit fermé toutes les portes.
Dis, c’est quoi être heureux rire avec des amis
Profiter du soleil des jardins qui fleurissent
S’adonner quelquefois à des jeux interdits
Sans trop en abuser pour qu’ils ne soient des vices.
Regarder tout là-bas la ligne d’horizon
N’y voir que du ciel bleu sans le moindre nuage
Et puis sans faire un pas, sans quitter sa maison
Rien qu’en rêvant un peu s’inventer des voyages.
Dis, c’est quoi être heureux faire fi des miroirs
Accepter sans broncher que se fanent les choses
De quelques cheveux blancs qu’on peut apercevoir
Faire comme un bouquet de lilas ou de roses.
Au moindre appel d’amour sentir battre son cœur
A s’étonner qu’il ait encore autant de force
Avoir su dominer ses doutes et ses peurs
Pour que coule toujours la sève sous l’écorce.
Dis c’est quoi être heureux retenir du passé
Tous les beaux souvenirs et les mettre en musique
En faire des chansons et se les répéter
Qu’ils deviennent en nous symphonie fantastique.
Se dire qu’un beau jour même s’il faut partir
On ne risquera rien des comptes qu’il faut rendre
Et se persuader que c’est peu de mourir
Juste un port, juste un quai juste un bateau à prendre.
Un jardin fatigué qui meurt de solitude
Un nuage pressé qui passe sans le voir
De devoir s’arrêter il n’a plus l’habitude
Il va falloir rentrer déjà tombe le soir.
J’ai toujours redouté ces nuages qui passent
Comme si du soleil ils avaient un peu peur
Comme s’ils redoutaient à la moindre grimace
Qu’un rayon les transperce et les touche en plein cœur.
Sans doute savent-ils que leur vie sera brève
Et se terminera aux flaques du chemin
A peine ont-ils le temps de faire un mauvais rêve
Que l’averse pressée leur barre le chemin.
J’ai parfois l’impression d’être de ces nuages
Soumis toute la vie à tous ces mauvais vents
Qui sait qu’un jour ou l’autre au hasard du voyage
Il devra s’effacer, revenir au néant.
Tout comme eux je suis né il est vrai d’une vague
Celle-là que l’amour se plait à enfanter
Evènement heureux ou bien mauvaise blague
J’avoue entre les deux ne pas avoir tranché.
Alors puisqu’il le faut je poursuis et j’avance
En faisant au jardin un clin d’œil malicieux
S’il est seul quelquefois j’apprécie son silence
Pardon d’être pressé mais je fais de mon mieux.
Oh toi le citadin sais-tu que ma campagne
Bruisse de mille vies derrière sa douceur
Que le vin qu’on y boit, que le pain qu’on y gagne
S’accommodent fort mal de ta mauvaise humeur.
.
Sais-tu qu’au soir venu remontent des ténèbres
Le cri des chats-huants, les gardiens de nos nuits
Et que nos coqs saluent ce matin qu’ils célèbrent
Des leurs chants de bonheur qui ne sont pas des bruits.
Sais-tu que nos prairies sont peuplées de sonnailles
Aux cous de ces troupeaux que tu ne connais pas
Que la terre appartient à ceux qui la travaillent
Et que bêtes et gens y donnent de la voix.
Au lieu de les bannir approche-toi des mares
Les grenouilles y ont établi leurs quartiers
Elles donnent concert sans sono sans guitare
Leurs chansons valent bien le fracas des pavés
.
Crois-tu que ton gasoil soit bien plus agréable
Que l’odeur du purin qui te ferait vomir
Cesse tes simagrées, rentre dans une étable
Il y aura toujours quelqu’un pour t’accueillir.
Tu pourras si tu veux arpenter près et vignes
Cueillir quelques raisins quand septembre est venu
Découvrir la moisson et la pèche à la ligne
Les sentiers parfumés, le ciel bleu par-dessus.
Ne t’indigne pas tant des cloches de l’église
Elles rythment le temps, le tien comme le mien
Elles sont comme un cœur qui bat et qui se grise
De ces mille moments qu’ils soient joies ou chagrins
Oh toi le citadin sais-tu que ma campagne
Bruisse de mille vies derrière sa douceur
Que le vin qu’on y boit, que le pain qu’on y gagne
S’accommodent fort mal de ta mauvaise humeur
Au nom des souvenirs je te redis je t’aime
Même si tu t’en fous, si tu ne me lis pas
J’ai eu l’air d’oublier mais j’y pense quand même
A ces belles années passées auprès de toi.
Du premier rendez-vous à ces jours qui suivirent
Où nous ne savions pas ce qu’il fallait penser
Pour un jour, pour dix ans qui aurait su le dire
Ce fut pour un peu plus avant d’en terminer.
Je ne les oublie pas ces chemins de Provence
Ces massifs montagneux et ces îlots bretons
Nos chemins en ce temps étaient faits d’espérance
L’espérance ce fil sur lequel nous voguions.
Et puis elles sont là témoins de nos étreintes
Et de ce temps béni qu’elles ont peu connu
Entre nous un beau jour la flamme s’est éteinte
Je sais que dans leurs coeurs tout n’a pas disparu.
Ce serait un hasard si tu voyais ces lignes
Celles-là que j’écris quand mon ciel se fait noir
Pour dans l’obscurité te faire un petit signe
Au cas où tu pourrais, qui sait, l’apercevoir.
Chacun sa vie c’est vrai et la mienne se traîne
Elle fait trop de place à trop de souvenirs
Sous les ponts de Paris coule toujours la Seine
Moi c’est un pont vers toi que je voudrais rouvrir.
L’homme craint tellement de quitter cette terre
Qu’il s’est imaginé une autre vie ailleurs
Tant pis si celle-là relève du mystère
Puisqu’elle lui permet d’avoir un peu moins peur.
Il se voit bien entrer dans un palais de rêve
Accueilli par un ange ou quelque séraphin
Pour lui faire oublier que sa vie fut trop brève
Et qu’ici-bas au fond il n’était guère rien.
Il pense retrouver au hasard d’une place
Quelqu’un qu’il a connu qu’il a peut-être aimé
Essayant d’éviter le sanglant face à face
Avec ceux qu’il avait peut-être maltraités.
Il se voit à jamais dans les bras d’une femme
Qui ne serait qu’amour, baisers doux et caresses
Une qui serait là pour raviver sa flamme
Comme celles qu’avant il prenait pour maîtresses.
Il aurait un jardin de plantes exotiques
Qui poussent en ces lieux qu’on ne connaît ici
Juste le souvenir de celles plus toxiques
Pour lesquelles il avait jadis de l’appétit.
J’avoue ne pas avoir de telles espérances
Penser que j’étais là juste pour un moment
Le vivre à corps perdu et jusqu’au grand silence
Profiter des bonheurs qu’offre à tous le présent.