Dessinez l’océan je me ferai voilier
Et vous emmènerai dans ces îles secrètes
Où la haine est bannie où l’on ne sait qu’aimer
Où les tristes lundis deviennent jours de fête.
Dessinez le ciel bleu et je serai l’oiseau
Qui sait en un seul vol rejoindre les nuages
Trouver un arc en ciel dans une goutte d’eau
Réinventer la vie dans de nouveaux voyages.
Dessinez un piano je trouverai l’accord
Qui marie à plaisir les noires et les blanches
Qu’on soit chanteur des rues ou célèbre ténor
Qu’on remplisse la salle ou qu’on fasse la manche.
Dessinez un jardin j’y planterai des fleurs
Modestes myosotis, ou orchidées superbes
Petite fleur des champs venue là par erreur
Mettre un peu soleil sur le tapis de l’herbe.
Dessinez une nuit j’en courrai les chemins
Histoire simplement d’y rencontrer un rêve
Puis de m’en souvenir quand viendra le matin
De faire que jamais, jamais il ne s’achève.
Il gèle ce matin, mets vite ton manteau
Et pense à bien nouer ton écharpe de laine
Le froid est en chemin, s’envolent les oiseaux
Pour s’en aller ailleurs dans des contrées lointaines.
Oublié le printemps, ses vertes frondaisons
Il est bien loin l’été, les plages sont désertes
Les arbres si fleuris de la belle saison
Vont de neige et frimas faire la découverte.
Mais ils ne sont pas morts dans leurs beaux habits noirs
Non ils ne sont pas morts, tout juste ils se reposent
Patience fais comme eux garde toujours l’espoir
Quelque part au jardin se préparent les roses.
Vois l’eau de cet étang qui frémissait hier
S’est soudain pétrifiée, prend des airs de banquise
Prépare-toi comme elle à oublier l’hiver
Range bien tes outils au fond de la remise.
Et si pour patienter tu dois faire un grand feu
Brûle tous tes chagrins et toutes tes misères
Les saisons de tout temps ont de drôles de jeux
Mélangeant à plaisir les bonheurs les galères.
Dis-moi un peu ta vie et surtout n’oublie rien
Essaie de n’en garder que les journées de fête
Que ces soleils radieux embrasant les matins
Ces rêves par milliers qui trottent dans ta tête.
Ne t’en fais pas l’hiver sera vite passé
Il s’était préparé en épousant l’automne
Tous deux rassure-toi ne sont pas si mauvais
Même si leurs refrains te semblent monotones.
Suis passé chez le vent, j’ai trouvé porte close
Et chez Dame la pluie il en était autant
Serait-ce que l’hiver décide d’une pause
Ou qu’il s’absente un peu pour draguer le printemps.
Qu’il jette donc au feu ses haillons, ses guenilles
De frimas de gelées et de jardins sans fleurs
Qu’il oublie sa pudeur et qu’il se déshabille
Se cache sans détours au regard des voyeurs.
Si de se dévêtir il conçoit quelque honte
Si s’exhiber ainsi le met dans l’embarras
Reconnaissons pourtant qu’il s’en sort à bon compte
Il aurait pu mourir alors qu’il reviendra.
Il reviendra c’est sûr sur les lieux de ses crimes
Avec ses habits neufs de givre et de flocons
Le poète saura pour parfaire sa rime
Qualifier son retour de mauvaise saison.
Qui sait s’il en rira ou dira sa colère
D’être ainsi maltraité dès qu’il fait son retour
Lui qui ne sévit pas sur une année entière
Qui n’a jamais duré qu’une poignée de jours.
C’était un type bien pas plus mal que les autres
Un de ceux que Jésus aurait pris pour apôtre
Puis il a mal tourné vous savez ça arrive
Les vaisseaux les plus beaux partent à la dérive.
C’est que la vie parfois n’est pas très généreuse
Tout le monde n‘a pas une histoire glorieuse
Il en est qui toujours récoltent des oscars
Et d’autres moins chanceux que l’on range au placard.
Il était de ceux-là un petit fonctionnaire
Eloigné à jamais de l’or des ministères
Soucieux de respecter les codes et les lois
Vive la république et maudits soient les rois.
Les gens disaient de lui qu’il était un brave homme
Toujours un mot gentil, bien élevé en somme
Qui promenait son chien dans le parc tous les jours
A ce qu’ils en savaient c’était son seul amour.
Peut-être est-ce pour ça qu’un soir de solitude
Il voulut déroger au fil des habitudes
Peut-être est-ce pour ça qu’il croupit en prison
Il en faut parfois peu pour perdre la raison.
C’est chose triste hélas mais chose bien banale
De celles qu’à plaisir tous les journaux étalent
C’était un type bien disaient les braves gens
Des types comme lui il en existe tant.
Je voudrais un Noël comme ceux d’autrefois
Des bougies de couleurs, des santons dans la crèche
La messe de minuit, la neige sur les toits
Et le Père Noël dans sa grande calèche.
Je voudrais retrouver cachés sous le sapin
Mille petits jouets dans un papier qui brille
Un pistolet factice un joli petit train
Un ballon rouge et bleu ou même un jeu de quilles.
Je voudrais un repas comme l’on en faisait
La dinde de la ferme et le vin de la cave
Sur la bûche les nains toujours au grand complet
La cognée sur l’épaule et la mine un peu grave.
Je voudrais Saint Sylvestre en costume nouveau
Qu’on puisse l’inviter pour de nouvelles danses
Qu’on puisse à l’an passé vite tourner le dos
Et à celui qui vient donner une autre chance.
Je voudrais près du feu que l'on soit réunis
A se tenir la main rêver de tout refaire
Pour que renaisse enfin ce qu'on croyait fini
Et faire à quelque dieu une ultime prière.
Je voudrais retrouver sourires et chansons
Disparus aujourd’hui dans un monde à la peine
L’homme aurait-il soudain perdu toute raison
Pour oublier l’amour au profit de la haine.
T’aurais pas dû partir, me laisser comme çà
Tout seul sur mon îlot face à la mer immense
Obligé de tenir mon cœur à bout de bras
Pour qu’il ne meure pas du mal de ton absence.
T’aurais pas du partir rien n’est plus comme avant
Nos serments échangés gisent dans les décombres
Comme feuilles jaunies emportées par le vent
Nos rêves désormais ne sont plus que des ombres.
T’aurais pas du partir sans même dire un mot
Avais-tu à ce point des envies de voyages
A tout notre passé tu as tourné le dos
En t’enfuyant ainsi sans le moindre bagage.
T’aurais pas dû partir il restait du chemin
Nous l’aurions fait tout deux sans crainte des ornières
Moi, pour me rassurer j’aurais tenu ta main
Toi tu serais restée mon fanal ma lumière
T’aurais pas dû partir la pluie mouille mes yeux
Sans doute pour noyer notre aussi belle histoire
On dit qu’il n’y a pas d’amour vraiment heureux
Sans doute avais-je eu tort tout simplement d’y croire.
Je crois que j’ai tout dit, je n’ajouterai rien
D’ailleurs sur mon cahier je n’ai plus trop de pages
J’ai parlé du printemps, des roses et des chiens
J’ai même dit des mots au temps qui tout ravage.
Il arrive un moment les vers tournent en rond
Au point que quelquefois j’en ai quelques vertiges
A moins que ce ne soit ces excès de Bourbon
Qui trahissent mes mains et font qu’elles se figent.
S’il est vrai qu’aujourd’hui je suis dans l’embarras
Je me dis que demain sera une autre histoire
Et que je trouverais dans quelques débarras
Un ou deux souvenirs revenus en mémoire.
Un brouillon griffonné sur un coin de comptoir
Un qui parlait d’amour qui sait même de fesses
Un que j’avais écrit par un jour de cafard
Comme font les bigots quand ils vont à confesse.
Ou peut-être un de ceux comme j’en ai fait tant
Qui disait mes espoirs, mais aussi mes colères
Tout imprégné de peur, de larmes et de sang
Quand je croyais en Dieu le temps d’une prière.
Un où je m’extasiais sur un coin de ciel bleu
Je l’ai fait si souvent qu’il en reste des traces
Ça vous fait oublier qu’il neige ou bien qu’il pleut
Et que la vie parfois peut être dégueulasse.
Je vous laisse donc là, le temps de bien chercher
D’ouvrir le bon tiroir, ça peut prendre des heures
C’est un bien grand malheur d’être désordonné
Pourvu que j’ai toujours les clés de ma demeure.
D’aucuns depuis toujours vivent en Utopie
Ce pays dont on dit qu’il n’a pas son pareil
Il exauce les vœux, satisfait les envies
Fait naître en pleine averse un superbe soleil.
Il a ses messagers ses porteurs d’espérance
Experts en grands discours maîtres de l’illusion
Le sourire enjôleur ils ramènent leur science
Camelots de bazar ou marchands de poison.
Puis arrive le jour où se lève le voile
L’erreur est mise à jour et le charme est rompu
En pays d’Utopie on poursuit une étoile
Elle brille toujours, parfois même un peu plus.
C’est que ce beau royaume il n’a pas de frontières
Il étend ses grand bras, il est comme un abri
On peut s’y réfugier y dire ses prières
Même si tous ses dieux sont des dieux en sursis.
Ils tomberont un jour et d’autres à leur place
Monteront sur le trône et créeront à leur tour
Les mêmes faux espoirs dans les mêmes grimaces
La nuit pour quelques-uns vaut bien plus que le jour.
Les jours sont tous pareils sur le calendrier
Sagement alignés de dimanche en dimanche
Qui peut savoir comment ils seront repérés
Pierre noire douleur, superbe pierre blanche.
Lequel sera barré d’un petit trait rageur
Lequel sera coché en guise d’espérance
Peut-être y en a-t-il tremblant un peu de peur
S’ils doivent entamer de longs mois de souffrance.
Il en est plus sereins qui connaissent leur sort
De premier de l’année à celui de Noël
Ou même celui-là qu’on dit être des morts
Qui offre un chrysanthème aux dormeurs éternels.
Certains très satisfaits préparent leurs atours
Allument des bougies pour un anniversaire
Apprennent des chansons, peaufinent leurs discours
Même si très souvent ils n’en ont rien à faire.
Et puis il y a ceux qui tombent dans l’oubli
Ceux qu’on n’aimera pas, les proscrits, les sans grade
Tous ceux dont on voudrait qu’ils soient déjà finis
Arrivés un matin sans doute par mégarde.
Ceux que l’on gardera à jamais contre soi
Honorés d’un baiser offert à la sauvette
Ou ceux d’un grand amour, d’une première fois
Quand la fièvre ou l’alcool nous montent à la tête.
La neige ce matin n’est plus tout à fait blanche
Elle est tâchée de boue et de gouttes de sang.
Les arbres malheureux qui sur elle se penchent
Semblent être au chevet d’un animal mourant.
Hier souvenez-vous elle était belle et pure
Quel est donc cet oiseau venu là la souiller
Lui infliger cruel les pires des blessures
Violer son cœur son corps en toute impunité.
Il a longtemps rodé sur les plus hautes cimes
Joui de sa beauté avec délectation
Et puis soudainement pitoyable anonyme
A piétiné le sol en toute déraison.
La lune tout là-haut n’a pas su la défendre
A moins qu’elle ait tout vu mais qu’elle ait eu trop peur
La nuit se soucie peu des ces comptes à rendre
Se fait sans le savoir complice de la peur.
Parlera-t-on demain de cette neige grise
L’aura-t-on oublié au retour du printemps
Une affaire classée au fond d’une remise
Sans doute l’oiseau noir n’en demandait pas tant.